Cette fois, la salle est pleine. A quelques semaines d’intervalle, je revois « une vie sur mesure » de Cédric Chapuis. La première fois, j’avais été absorbé par la performance du batteur. Ce soir, avec mon filleul, je me sens plus disponible au contenu de la pièce. Même si l’instrument me fascine, même si certaines anecdotes raisonnent avec nostalgie dans ma propre histoire de batteur amateur, je me concentre sur l’unique personnage du récit. Il est autiste. Dans cette forme favorable de l’autisme, son talent pour la musique s’est substitué à ses capacités à appréhender le monde avec lucidité.
Pendant plus d’une heure, je partage avec lui sa lecture déformée des Hommes et de leurs comportements normés. Je le regarde désarmé face à la moquerie, aux encouragements, à la violence, à l’amour aussi. Lui a le don instinctif de la musique comme nous avons celui des émotions sociales. Il en singe les comportements avec une tendresse désarmante, comme nous ferions des gammes. Je veux croire que cette distance le protège de sa souffrance, comme elle protègera les un pour cent d’enfants qui naissent autistes aujourd’hui.