Une autre idée du bonheur

Je repose « Une autre idée du bonheur » de Marc Levy, les yeux embrumés par le brouillard du Wisconsin où s’achève le roman. Je referme en effet le livre à l’apogée de l’émotion que l’auteur a pris soin de construire durant quatre cents pages.
J’avais attrapé ce livre à l’aéroport, dans l’anticipation d’un retard d’avion. Au fond n’est-ce pas la vocation de ces ouvrages de tête de gondole, que de fabriquer de l’émotion ? Pourtant, une fois dépassé ce sentiment primaire, c’est aussi une lecture qui nous rappelle ce qu’était le monde des années soixante et en particulier les Etats Unis d’Amérique.
Elle raconte la vraie horreur du racisme ordinaire vis-à-vis d’Afro-Américains qui eux, ne cherchaient pourtant qu’à s’intégrer. Elle dit aussi ce qu’était l’engagement d’une jeunesse idéaliste, qui n’avait pas peur de mourir pour de belles idées, fussent elles utopiques face aux lobbies de l’industrie militaire ! Qu’est devenu le courage politique de la jeunesse Américaine, face aux choix de la famille Bush, ou aux écoutes improbables de la NSA ?
Peut-être nos enfants, liront ils à leur tour dans quelques dizaines d’années, des romans qui leur raconteront comment, cette grande démocratie mégalomane n’a finalement pas résisté au reste d’un monde qu’elle n’a pas su comprendre.

Les perroquets de la place Arezzo

« Les perroquets de la place d’Arezzo » d’Eric Emmanuel Schmitt. Une amie me l’offre pour mon anniversaire. Le livre m’attend quelques mois dans ma bibliothèque, jusqu’aux longs weekends de ce mois de mai.
Au bout de quelques dizaines de pages, je comprends que les sept cents prochaines ne serviront pas à dénouer l’hypothèse d’une énigme fondée sur l’envoi de lettres anonymes. En fait c’est un livre d’amour, d’histoires d’amour des différents amours. Dans un décor de vie ordinaire, elles en disent toute la complexité. Un ensemble de tableaux du genre humain se dessinent sous nos yeux d’où se dégagent des sentiments forts, toujours sincères, parfois complexes.
Comme souvent, l’universalité de ces sentiments nous renvoie à notre propre histoire. Serions nous capables de vivre sans cette quête permanente? Pour l’ensemble des personnages, chacun dans son propre parcours, la réponse est sans ambiguïté.

Elections Européennes

Parmi les locaux mis à disposition de la démocratie Française, figurent en bonne place les écoles publiques. Il y a en effet des dimanches où elles se transforment en bureau de vote. Sans prétention de compétences particulières, la présence des panneaux de candidatures à l’entrée, s’offre toujours comme une bonne occasion de pédagogie républicaine.
J’assume ma responsabilité de papa de trois jeunes petits garçons. Je vais expliquer le principe du parlement européen : un peu moins de sept cent cinquante députés de toute l’Europe, organisés en huit groupes parlementaires pour structurer et conduire la politique européenne. Devant l’école maternelle, vingt mètres de panneaux, trente et une listes différentes! Les grands professionnels du cirque politique Français sont là. Quand on connait leur taux de participation active au débat européen, on se demande d’ailleurs s’ils ne sont pas là que pour la photo et les futurs émoluments.
Dans mon école d’ingénieurs républicaine (combattue avec acharnement par Ségolène Royale, ministre de l’enseignement supérieur), on chantait ensemble avec humilité un hymne à la Fraternité qui disait « [] vieux privilèges vous devez tous périr [] ». Messieurs les trente et un donneurs de leçons, dans votre quête du pouvoir, sur vos affiches, devant mes enfants, vous êtes juste grotesques.

La contrebasse

La contrebasseLa contrebasse. Souvenir inoubliable d’un parcours initiatique au théâtre il y a plus de vingt ans. Il m’offre l’accès à la proximité de personnages que le cinéma avait pourtant iconisé. En l’occurrence Jacques Villeret. Même après toutes ces années, j’ai toujours le souvenir de cet immense acteur, et du ressenti de sa propre dépression au service du cynisme du texte et de ce rôle. Il y a quelques semaines, en moins de dix minutes, le talent de Clovis Cornilliac me détourne de toute tentative de comparaison. Je me concentre sur le sens de la pièce que son jeu transcende. Le scénario se déroule. Irrémédiablement, le sacré devient dramatiquement ordinaire, sous la contrainte des difficultés du genre humain. La pièce dépasse son propre contexte. Au-delà de la déprime d’un musicien d’orchestre de grande musique, elle remet en cause la valeur de grandeur que nous donnons a priori aux choses. Je m’interroge. Si les choses n’ont finalement que la valeur que nous leur donnons, alors j’aime croire en notre capacité à faire naître le sublime de l’ordinaire, plutôt que de faire de l’ordinaire l’endroit de la perte du beau et du sacré. J’ai de nouveau adoré cette pièce. J’aime le théâtre.

 

Simplement beau

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Je crois qu’il n’y a pas un endroit de France que je n’ai pas aimé. Ici, je suis sincèrement bouleversé par ces images qui redisent la beauté de l’océan, sous le soleil d’avril, depuis une plage de France. Au bout de l’île de Ré, il y a quelques jours. Tout devient dérisoire devant cet infini visuel qui nous rappelle à l’essentiel, qui nous questionne sur le vrai sens du beau. De ce mélange simple des matières et des couleurs, émane quelque chose de fondamental. Ce soir dans ce soleil, sur cette plage, je vois « les reflets d’argents » de cette mer qui danse au rythme d’un tango Argentin. Derrière moi, d’anciens blocos abandonnés, me rappellent juste la chance que j’ai de vivre au milieu de ces si beaux paysages ; dans un pays en paix.

Emotions

Louis BertignacC’était un vrai beau moment d’émotion. Vendredi soir, Paris au Bus. Concert privé de Louis Bertignac. Je suis invité par mon copain Bruno. Bertignac, Aubert, Téléphone, c’est mes premiers concerts. Les premiers morceaux joués dans des groupes de musique à la sortie de l’adolescence. Vendredi soir j’avais dix-huit ans, comme beaucoup d’ailleurs des trois cents personnes présentes. Comme si on avait retrouvé un amour de jeunesse qui aurait superbement vieilli. C’était au fond le sens de ce concert : dire que l’amour résiste aux corps qui vieillissent. Et même à ceux qui vieillissent plus vite que les autres. Ce concert c’est le cadeau offert par une association de copains : Zumarika, à l’un des leurs atteint d’un stade avancé de la maladie de Charcot. C’était une vraie leçon d’amitié, un super moment de fraternité. Merci.

Un autre logiciel

« Les vivants ferment les yeux des morts, les morts ouvrent ceux des vivants ». Je ne me rappelle plus précisément dans quel contexte, j’ai entendu ce proverbe attribué à un auteur Bulgare.
Mais en redécouvrant la boucherie de la ‘grande guerre’ à l’occasion des cérémonies de l’armistice, je me demande si l’humanité en a la sagesse. Les millions de morts sacrifiant leur jeune vie à l’incompétence de leurs officiers, ne nous aurons en effet pas protégé de l’infamie de la deuxième guerre mondiale, seulement trente ans plus tard. Ces âmes vagabondes nous protègent elles aujourd’hui d’autres boucheries sanguinaires aux portes de nos pays ? Toujours pas.
Imaginer la guerre et les épidémies comme des mécanismes de régulation de la surpopulation à la surface de la Terre, m’apparait toujours aussi régressif. Si la responsabilité écologique des politiques pouvait s’élever au niveau de ces enjeux, sans doute préparerions nous un monde meilleur pour nos enfants, fondé sur un autre logiciel que celui de la seule rhétorique de la croissance.

La conversation

La conversationQuel bonheur de vivre dans un pays marqué par son Histoire, nous rappelle Jean D’Ormesson en 80 minutes de théâtre. Quoi de plus ordinaire qu’une conversation entre deux hommes ? Mais quelle extraordinaire conversation que celle qui, entre Bonaparte et Cambacérès, témoigne de la grandeur d’un homme et met en lumière l’alchimie du talent et de la mégalomanie. Deux siècles plus tard, en observant le nombre croissant de dicteurs et d’autocrates ordinaires, je me demande si ce ne serait pas seulement du talent dont nous auraient protégé nos démocraties modernes et l’entreprise des communicants. Le culte de la personne n’a cessé de se développer, mais au service de quelle vision du monde? Entre la dangerosité du génie et la médiocrité de la télé réalité mondiale, je crois que j’ai choisi mon risque. C’est celui du progrès.

Parce que je t’aime

Quand on est pressé, deux critères nous guident dans le choix d’un bouquin : le titre et les premières lignes de la quatrième de couverture. C’est ce que me rappelait mon copain Bruno dans une conversation pourtant professionnelle.
J’avoue, « Parce que je t’aime » de Guillaume Musso, je l’ai choisi pour le titre.
Percer le mystère de l’amour voilà la promesse que cela m’a inspiré pour cette prise de décision rapide. Quelques dizaines de pages plus loin, ce n’est finalement pas celle du livre. C’est une histoire écrite pour le cinéma. Elle est envahie de culture américaine pour cet auteur pourtant bien Français. Une forme de distance s’installe rapidement. Au dénouement de cet énigmatique récit aux références d’outre atlantique, je cherche un sens qui dépasse la technique de construction du suspense.
Au fond  de moi je suis heureux de découvrir qu’il existe une cicatrisation des âmes, même pour les pires blessures des principaux protagonistes. Ce n’est pas ce que j’attendais, mais cette conclusion me plait.

Diderot

La-religieuseJ’avais loué ici il y a quelques mois, le plaisir du théâtre de boulevard dans un genre renouvelé. Quel bonheur aujourd’hui que celui de l’autre genre en ce mois Diderot. Il y a deux semaines, au théâtre du Ranelagh j’assiste à  La religieuse. Le texte du dix-huitième siècle nous rappelle ce que peut être la beauté de la langue française. Le jeu des acteurs la transcende, la pièce est bouleversante. Elle dit à quel point la religion peut être instrumentalisée pour priver, en particulier les femmes, de leur liberté. Il y a moins de trois cents ans, c’était en France. Cette liberté gagnée, il ne faut jamais y renoncer et la protéger comme un trésor. C’est la conviction qui m’envahissait à la fin de ce grand moment d’émotion.